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10/14/2011

Pas névrotique, seulement différent : Partie 2


Sommaire du dossier :


Être sain d’esprit dans un lieu dément

Sain d'esprit dans un monde de fous



L’une des plus célèbres études antipsychiatriques a été réalisée au début des années 1970.

Huit chercheurs « normaux », en bonne santé mentale ont essayé d'être admis, grâce à un diagnostic, dans des hôpitaux psychiatriques américains. Le seul symptôme qu'ils signalaient était qu'ils entendaient des voix. Sept ont été diagnostiqués schizophrènes et admis. Une fois dans l'hôpital, ils se sont comportés normalement; le personnel les ignorait lorsqu'ils demandaient poliment des informations. Ils ont fait remarquer par la suite que le diagnostic de schizophrénie avait pour conséquence qu'ils avaient un statut et un pouvoir moindres dans l'hôpital. Ils ont ensuite « confessé» qu'ils n'avaient pas de symptômes et qu'ils se sentaient très bien. Mais il a fallu presque trois semaines avant qu'ils ne soient libérés, souvent avec le diagnostic de « schizophrénie en rémission ». Ainsi, des individus normaux, en bonne santé mentale, pouvaient facilement être diagnostiqués d'« anormaux ».

 Mais l'inverse peut-il se produire? Les mêmes chercheurs ont dit au personnel d'un hôpital psychiatrique que des pseudo-patients prétendant être schizophrènes risquaient d'essayer de s'introduire dans leur établissement. Ils ont ensuite constaté que dix-neuf vrais patients avaient été soupçonnés de fraude par deux membres ou plus de l'équipe, y compris un psychiatre. La conclusion est qu'il n'est pas possible de distinguer les individus en bonne ou en mauvaise santé mentale dans les hôpitaux psychiatriques. Bien que cette étude ait été fortement critiquée pour des raisons éthiques et expérimentales, elle a fourni une considérable impulsion au courant antipsychiatrique.


Les croyances fondamentales

Les croyances


Le mouvement partage un certain nombre de croyances et de préoccupations fondamentales.

La première était que les familles, les institutions et l'Etat sont autant la cause de la maladie que le fonctionnement biologique ou l'équipement génétique d'une personne.

Deuxièmement, ils se sont opposés au modèle médical de la maladie et du traitement.

 Ils pensaient que ceux qui vivaient selon des codes de conduite différents étaient étiquetés délirants à tort et de façon dangereuse.

Troisièmement, ils croyaient que certaines religions et certains groupes ethniques étaient opprimés parce qu'ils étaient, dans un certain sens, anormaux.

 Ils étaient « pathologisés » et on tentait de leur faire croire qu'ils avaient besoin de traitement. Ce courant s'est particulièrement préoccupé du pouvoir des diagnostics. Ses partisans ont considéré qu'ils donnaient une fausse impression d'exactitude et d'invariabilité. Les diagnostics et les manuels sont rejetés parce que les individus réfèrent à de multiples critères (ou aucun) et parce qu'il y a peu d'accord entre les experts.

Les critiques de la thérapie

Le mouvement antipsychiatrique s'est également opposé à des thérapies très spécifiques, en particulier les médicaments tels que ceux destinés à traiter les problèmes spécifiques des enfants (hyperactivité avec troubles de l'attention) et la dépression. Il a dénoncé leur coût et leurs effets secondaires ainsi que le fait que l'on ne disait pas la vérité aux patients à leur sujet. Les militants de l'antipsychiatrie se sont attaqués à tous les aspects de l'activité des compagnies pharmaceutiques, affirmant qu'elles falsifiaient leurs données et faisaient payer leurs médicaments beaucoup trop cher. Ce qui a eu pour résultat d'encadrer cette industrie par des textes législatifs.

Les militants ont également pris les électrochocs pour cible ainsi que des procédés tels que la chirurgie cérébrale (lobotomie préfrontale).

Malgré certaines preuves d'efficacité, certains opposants accusent ces méthodes d'être imposées à des patients naïfs et d'entraîner de graves effets secondaires permanents. Le pouvoir des psychiatres d'hospitaliser des patients sans leur volonté est également critiqué. De nombreux opposants considèrent les psychiatres comme un bras de l'État, à l'égal des policiers et des juges.

 Les partisans de l'antipsychiatrie plaident pour une psychiatrie plus humaine.

 Ils mettent toujours en cause le langage psychiatrique et l'illusion de la psychiatrie biomédicale et scientifique qui cherche des explications biologiques et génétiques. Par exemple, ils affirment que la principale source de la dépression est la pauvreté, non le mauvais fonctionnement des neurotransmetteurs. À l'origine, ces mouvements étaient fondés sur des convictions antiréductionnistes, fortement idéologiques et politisés. Ils ont essayé d'exorciser et de réhabiliter la psychiatrie. Ils se sont opposés au « système ». Ils ont réussi de multiples manières: de nombreux traitements ont été stoppés, beaucoup d'hôpitaux psychiatriques ont été fermés. Les étiquettes diagnostiques ont changé et sont aujourd'hui utilisées avec beaucoup plus de prudence.

Le courant antipsychiatrique s'est transformé en mouvement de consommateurs composé de patients. De nos jours l'accent est mis sur les droits et le pouvoir des patients plutôt que sur la tentative de démantèlement de la psychiatrie.


La nouvelle psychiatrie


La psychiatrie aujourd'hui


De nombreux psychiatres ont essayé de répondre aux critiques de l'antipsychiatrie en adoptant des principes de conduite spécifiques. Ils peuvent donc essayer d'instituer les éléments suivants.
Tout d'abord, admettre que l'objectif du traitement est de se sentir mieux plutôt que de mieux se comprendre.

Deuxièmement, le traitement devrait être basé sur l'état des connaissances, et les médecins ne devraient utiliser que des traitements à l'efficacité démontrée.

Troisièmement, reconnaître que les patients ont le droit d'avoir accès à leur dossier, de connaître leur diagnostic, d'être informés sur les traitements disponibles et sur les risques associés.
Les patients et les psychiatres devraient avoir des attentes réalistes ce que les traitements et la thérapie peuvent faire ou non. Tous les patients avec des troubles psychiatriques méritent du soin, de la compassion et du respect.

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