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3/25/2013

Un nouveau traitement contre le fibrome utérin

Un nouveau traitement contre le fibrome utérin

La panoplie des traitements du fibrome utérin vient de s'élargir, avec l'arrivée sur le marché français d'un nouveau médicament : un modulateur des récepteurs à la progestérone, agissant exclusivement sur le fibrome et non sur le muscle utérin alentour. Efficace, le médicament serait en outre beaucoup plus rapide à agir que les autres traitements médicamenteux. Les explications du Pr Nathalie Chabbert-Buffet, chef du service de gynécologie-obstétrique à l'hôpital Tenon (Paris).



Environ un tiers des femmes ont un fibrome utérin, mais beaucoup l'ignorent : cette tumeur bénigne n'est en effet symptomatique que dans un tiers des cas. Mal informées des symptômes, elles ne sont que 68 % à se faire suivre par un médecin.

Le fibrome utérin, une tumeur bénigne et fréquente

"Le fibrome utérin est une prolifération de cellules musculaires lisses qui s'enroulent les unes sur les autres", explique le Pr Chabbert-Buffet1. Il s'agit de la tumeur féminine bénigne la plus fréquente, puisqu'elle touche entre 20 et 40 % des femmes. Le risque est doublé lorsque sa mère est atteinte.

Les médecins ont adopté une nouvelle classification des fibromes en 2011, distinguant trois types selon leur disposition dans l'utérus :
•Les fibromes sous-muqueux (0, 1 et 2)
•Les fibromes intramuraux, accrochés à la paroi utérine (3 et 4)
•Les fibromes sous-séreux, débordant à l'intérieur de l'utérus (5, 6 et 7).

Seules 30 % des femmes touchées présentent des symptômes, soit, au final, environ 9 % des Françaises. Une enquête menée auprès de 2 500 femmes entre 30 et 55 ans2 montre les principaux symptômes ressentis : des règles abondantes (47 %), des crampes dans le ventre en dehors des règles (47 %), des saignements en dehors des règles (42 %) et des douleurs.

Mais ces symptômes, assez peu spécifiques, restent très subjectifs et ne représentent pas toujours, aux yeux des femmes, un motif de consultation, souligne le Pr Hervé Fernandez, chef du service de gynécologie-obstétrique à l'hôpital du Kremlin-Bicêtre. "Beaucoup de femmes ne perçoivent pas que leurs règles sont anormalement abondantes". Les médecins ont donc élaboré un score sur la base du nombre de changes quotidien lors des règles, pour les aider à objectiver l'importance des saignements.

Fibrome : un traitement dans 38 % des cas

L'absence de symptômes très spécifiques conduit à des retards de diagnostic et de prise en charge. Selon l'enquête, les premiers signes sont généralement apparus 4 à 5 ans avant le diagnostic du fibrome. Il s'agissait, pour la plupart, de saignements abondants (36 %) ou en dehors des règles (37 %). D'ailleurs, dans un tiers des cas, le fibrome a été dépisté au hasard d'un examen de routine. Le diagnostic repose essentiellement sur un examen clinique, l'échographie tridimensionnelle permettant ensuite de mieux voir les lésions et de définir le type de fibrome selon la classification reconnue. L'IRM n'est nécessaire que dans un cas sur dix, principalement pour discuter la voie d'abord en cas d'intervention chirurgicale, précise le Pr Chabbert-Buffet.

La pose d'un diagnostic ne garantit pas pour autant une prise en charge. En effet, 32 % des femmes présentant un fibrome ne sont pas suivies. Et parmi celles qui le sont, seules 38 % sont traitées : antalgiques (17 %), anti-inflammatoires non stéroïdiens (11 %), progestatifs (10 %)... L'impact de leur fibrome sur leur vie sexuelle, professionnelle et même sociale est pourtant très important, en témoigne le score de qualité de vie anormalement bas que les patientes s'attribuent. Un constat qui traduit "une carence d'efficacité de nos prises en charge actuelles", selon le Pr Chabbert-Buffet.

Les traitements du fibrome

Il n'existe à ce jour aucun traitement curatif du fibrome. La prise en charge est symptomatique, elle vise à soulager la douleur et à réduire les saignements. Pour cela, les médecins ont à leur disposition tout un arsenal thérapeutique :
•Traitements médicamenteux : il s'agit soit de progestatifs, soit d'analogues de la GnRH. Ces derniers suppriment toute sécrétion d'estrogènes et créent ainsi une ménopause qui réduit de moitié la taille des fibromes après trois mois de traitement, et réduit ou supprime les saignements au bout d'un mois.
•L'embolisation : cette intervention, pratiquée par un radiologue, est contre-indiquée chez les femmes qui souhaitent avoir un enfant car elle peut provoquer des complications utérines susceptibles d'altérer la fertilité.
•Les ultrasons : abandonnée à Tours mais toujours pratiquée au CHU de Bordeaux, cette stratégie coûte cher (5 000 €) pour une efficacité peu satisfaisante.
•Les traitements chirurgicaux : la myomectomie, qui consiste à retirer les fibromes, préserve la fertilité ; l'hystérectomie, en revanche, est réservée aux femmes qui ne désirent plus de grossesse.

Toutes ces approches peuvent cependant entraîner des effets secondaires ou des complications immédiates et à plus long terme, souligne le Nathalie Chabbert-Buffet. C'est le cas notamment des analogues de la GnRH qui, en induisant une ménopause, provoquent des bouffées de chaleur et augmentent le risque d'ostéoporose.

Esmya®, en attente d'une AMM en France

Des méthodes thérapeutiques alternatives se sont développées, comme la destruction par ultrasons (une méthode étudiée à Tours, aux critères d'inclusion très précis, mais dont le rapport bénéfices/risques n'est pas positif, indique la spécialiste), la destruction par radiofréquence ou la destruction par cryoablation peropératoire ("une technique moins avancée et plus à risques").

Au niveau médicamenteux, des molécules de la même famille que les analogues de la GnRH sont à l'étude. Leur avantage : ils agiraient plus vite que les médicaments actuellement disponibles, mais leur forme injectable et la fréquence des injections en font un traitement contraignant.

Un modulateur des récepteurs de la progestérone (Esmya ®, Gedeon Richter Plc.), capable d'agir de façon sélective sur le fibrome et d'épargner le muscle utérin alentour, semble le traitement le plus prometteur. Deux études ont montré son efficacité à réduire la taille du fibrome et l'importance des saignements, et ce dans un délai nettement plus court que les autres traitements médicamenteux (7 jours contre 3 semaines). Sa prise par voie orale, associée à une rémanence très longue (le médicament serait pris pendant 3 mois et son effet persisterait pendant 3 mois supplémentaire), sont d'autres aspects positifs qui séduisent les spécialistes. Par ailleurs, n'induisant pas de carence en estrogènes, il est dénué des effets indésirables de la ménopause. Le médicament n'est pas encore commercialisé en France mais il l'est déjà dans plusieurs pays d'Europe (dont l'Allemagne) où il a obtenu une AMM3 en 2012 dans le traitement préopératoire des fibromes symptomatiques modérés à sévères, avant (voir notre article sur le sujet). Le laboratoire est en discussion avec les autorités sanitaires françaises pour une demande d'AMM dans cette indication. Seul le recul permettra de dire si ce médicament est suffisamment efficace pour rendre inutile une intervention chirurgicale.

Amélie Pelletier, le 21 mars 2013.

Sources :

1 - "Femmes et fibromes utérins en France en 2013", Conférence de presse organisée par Gedeon Richter France le 27 février 2013.
2 - Enquête menée de novembre 2012 à janvier 2013 par Kantar Health pour Gedeon Richter France, division Santé de la femme, auprès de 2 498 femmes âgées de 30 à 55 ans, représentatives de la population féminine française.
3 - AMM européenne d'Esmya.

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